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15 février 2021 1 15 /02 /février /2021 16:22

Qu’est-ce qu’un coq ?

L’animal représenté par le xylographe au service du naturaliste Conrad Gesner de Zurich dans son traité De Avibus (1555) n’est pas indigène en Europe. Il n’existe pas en Europe à l’état sauvage. Il a été domestiqué par l’homme et vit dans sa dépendance.   

Wikipedia s.v.coq

« Différentes espèces de gallinacés sauvages sont apparues sur chaque continent : le tétras en Europe, la pintade en Afrique, la dinde en Amérique et le coq doré (Gallus gallus) en Asie. C'est cette dernière espèce qui a donné lieu à la première domestication dans plusieurs régions d'Asie du Sud-est vers -6 000 avant JC. Puis sa forme domestique s'est diffusée dans le monde entier pour la production de viande et d'œufs, si on se base sur le fait que le mot pour désigner le poulet domestique — *manuk — appartient à la langue reconstituée proto-austronésienne. Les poules, avec les chiens et les cochons, faisaient partie des animaux domestiques de la culture Lapita, la première culture néolithique de l'Océanie.

Grâce au commerce antique et aux mouvements de populations, les poules ont atteint tous les continents. En Égypte, en Grèce et en Italie, on les élevait pour l'alimentation, les combats, mais aussi comme animal d'ornement. »

Le nom zoologique du coq est gallus gallus domesticus . Le nom de l’animal en français est coq, onomatopée issue du cri de l’oiseau, attestée en 1138, qui a éliminé le nom d’ancien français jal, issu du latin gallus. Le catalan a conservé le nom gall.

Le nom du coq est beguey en gascon. Un village sur la route de Bordeaux à Cadillac se nomme aujourd’hui Beguey, sans doute à cause d’une croix surmontée d’un coq proche d’un relais de poste à côté du village, lequel se nommait autrefois Nayrac, croix mentionnée par un voyageur allemand du XVIIe siècle, Abraham Golnitz[1].

Nous allons parcourir les images du coq dans l’Antiquité gréco-romaine, dans le domaine biblique, dans les bestiaires médiévaux et les fables, dans l’héraldique et dans les recueils profanes de symboles et les  iconologies classiques dérivant de César Ripa, qui vont servir de répertoire aux graveurs, aux peintres et aux concepteurs de monnaies de la Révolution française. Ces répertoires ont inspiré l’iconographie républicaine, notamment le monument des Girondins à Bordeaux et ailleurs nombre de monuments aux morts, mais aussi dans le domaine sportif, les maillots où le coq est devenu  l’un des emblèmes nationaux  de la France. Mais à côté de cet emploi, le coq a conservé aussi des usages dans d’autres domaines, inspirés de ses comportements observés ou supposés. Il figure en effet sur des médailles de la police et des pharmaciens.  


[1] http://www.mairie-beguey.fr/Un-peu-d-histoire. Le village a adopté le nom de Beguey depuis la Révolution et un monument en forme de coq rappelle son étymologie.

A. Le coq dans l’Antiquité païenne

Les premières représentations de poules en Europe se trouvent sur des céramiques corinthiennes du VIIe siècle avant J.C. Le premier élevage de poules retrouvé était situé en Judée pendant la période hellénique[1].

Les oiseaux ont été un motif décoratif aimé des Egyptiens, qui en ont pris les formes pour 63 hiéroglyphes. Peu de peintures ont subsisté, mais on voit des mosaïques à oiseaux. Les sujets animaliers sont rares en Egypte, où l’on préfère les motifs géométriques en noir et blanc.

 On a trouvé dans les premières années du XXes. grâce à une équipe italo-égyptienne une mosaïque du dernier quart du premier siècle av. J. C.  à Canopus, à l’est d’Alexandrie, dans les débris d’une riche villa.

 Les usages du coq

« Au point de vue religieux, le coq est l’attribut de plusieurs divinités. On le trouve à côté d’Apollon, comme héros du jour naissant, on l’offre en sacrifice à Asclépios. Il est le compagnon de Mercure et l’emblème de divinités orientales comme Attis. On le trouve aussi sculpté sur les autels funéraires. Il passait d’ailleurs, comme beaucoup d’autres animaux, pour avoir une vertu prophylactique et l’on donnait à des amulettes la forme d’un coq. Dans la vie privée, c’est un des animaux que l’on offre en présent, surtout à ceux qui ont remporté de nombreuses victoires. On le voit aussi servir d’amusement à des enfants.

Les anciens avaient un goût très vif pour les combats de coqs. On leur faisait manger de l’ail et des oignons pour aviver leur ardeur et on attachait à leur ergot un éperon de bronze. A Athènes, une loi organisait, chaque année dans le théâtre, un combat de coqs, en souvenir, disait-on, de l’allocution de Thémistocle qui, la veille de Salamine, invita ses concitoyens à imiter l’acharnement des coqs. De tels combats sont représentés  plusieurs reprises dans l’art ancien, notamment sur les peintures de vases grecs et les pierres gravées, dans les mosaïques et les fresques hellénistiques et romaines.

A Pompei, à la maison des Vettii, un artiste plein de verve montre un vainqueur s’éloignant la palme au bec, laissant son ennemi mort, tandis que deux autres adversaires se narguent, prêts  à lutter. Mentionnons aussi, mais il ne s’agit plus de combat, la frise d’un monument de Xanthos (Lycie) longue bande de coqs et de poules faisanes.

Le coq figurait sur des tétradrachmes d’Athènes et sur les monnaies d’un certain nombre d’autres villes. » in Pierre Lavedan, Dictionnaire illustré de la mythologie et des antiquités grecques et romaines, Paris, Hachette, 1931, s.v . Coq, p. 295.

On trouve un coq sur les drachmes de Himéra en Sicile, avec des ailes de moulin au revers.

BMC Sicily, p. 77, n° 13 et 16, poids 2 -9, argent, .25 pouce, soit 5-6 mm :

A : coq avançant à droite, R : carré creux divisé en huit triangles.

Himera fondée vers 650  dans la deuxième moitié du VIe siècle av. J. C. La ville est entièrement détruite en 409 par une invasion carthaginoise. Le coq emblème de la ville est l’animal sacré d’Asclépios et pourrait être une allusion aux sources thermales jaillissant non loin de la ville. Le coq annonçant le jour, hèmèra en grec, serait devenu un emblème parlant de la ville, une sorte de Wappenmünze.

Les monnaies de Dardanus, ville située au nord d’Ophrynium et à 70 stades au sud d’Abydos, sur le plateau de Maltepe, sous le cap Kefez-Burnu. Diverses pièces d’électrum et d’argent portant un coq, type distinctif de Dardanus, y ont circulé durant le VIIe et le VIe s.

BMC, Troas, Aelis and Lesbos, P. 49 n° 7

A : Cavalier portant chiton, chlamyde et pétase galopant à dr. R : Coq tourné à dr., avec les lettres DAP (< Dardanus ). Bronze, 7 pouces.

Lesbos a aussi frappé en électrum une tête de coq, au revers d’une tête de lion.

(BMC Lesbos,  n° 24) ou d’un avant-train de lion ailé (BMC, Lesbos n° 25).

On dit que le coq est consacré à Asclépios, dieu de la médecine. Or la statue chryséléphantine d’Asclépios à Epidaure montrait le dieu tenant un bâton noueux, et accompagné de ses animaux rituels, le serpent et le chien. On n’y voit pas de coq. Mais on trouve sur les monnaies le coq associé à diverses autres divinités. A Hermès en Thrace, à Zeus, à Héraklès, à Selinos :

 https://www.coinarchives.com/13705df98c166b4c5ada9ce52ce3ced0/img/bolaffi/034/image00308.jpg

En Macédoine, un atelier inconnu a produit des tétradrachmes entre 325-323 avant J. C.

A : tête d’Héraclès à droite, recouverte de la peau de lion. R : Zeus assis à gauche sur un trône tient une aigle de la main droite et un long sceptre vertical de la main gauche. Dans le champ à gauche, un coq. 17,16 g. (Price n° 79)( Müller n° 392).

https://www.coinarchives.com/5e12fa81b03b4059b49ef6e2df6e430b/img/leu_winterthur/e8/image00132.jpg

En Thrace, la cité de Dikaia frappe vers 480 - 450 avant J.C. des trioboles d’argent d’un diamètre de 13 mm, pesant 2,11 g. A : tête d’Héraklès à droite portant la peau de lion comme couvre-chef. R : Coq debout à droite, dans un carré creux bordé de points. Boston MF A 801. Schönert-Geiss, Bisanthe, 45. SNG Copenhague 553. Belle pièce de style archaïque provenant d’une ancienne collection suisse ; ex. Hirsch 275, 22 septembre 2011. 3383 and Numismatica Ars Classica B 25-26 Février 1992, 1312. 

 https://www.coinarchives.com/808b29c052ec78befb3d523bcc8fe2f4/img/bolaffi/034/image00286.jpg

En Sicile, la cité de Sélinonte a frappé durant les années 467-445 avant J.C. des tétradrachmes d’argent, de 16,29 g. SNG Ans. Cfr n° 688)

A : Artémis tenant les rênes d’un bige au pas et à ses côtés, Apollon en train de tendre un arc.

R : le dieu du fleuve Selinos debout vers la gauche tient une phiale de la main droite et un rameau de la main gauche. Face à lui, sur le côté gauche, un autel et un coq, derrière lui, à droite une feuille de persil (emblème parlant de la ville de Sélinonte) et un taureau.

Avec d'autres avers, on retrouve le coq voué au sacrifice par le dieu-fleuve Selinos sur des tétradrachmes de Sélinonte B.M.C. 2.25, BM.C. 2.31., B.M.C. 2.44.jusqu'à la destruction de la ville par les Carthaginois en 409 avant J.C. Sear met ce type en rapport avec la purification de marais causant des épidémies grâce au détournement de deux rivières sur le conseil du philosophe Empédocle[1].

Quelle conclusion tirer de cette revue des coqs sur les monnaies grecques ? L'iconographie est démunie devant ces images sans légende, et s'il est patent que le coq est une victime usuelle de sacrifices, comme le montrent les monnaies de Sélinonte, on ne sait pas avec quelles intentions les diverses cités énumérées plus haut l'ont choisi pour type de leurs monnaies. Dévotion à Esculape, passion pour les combats de coqs, exemple de combativité, spécimen de l’élevage local ?

 

 

[1] David Sear , Greek coins and their values. London, Seaby, 1978, volume I : Europe, p. 95


[1] Wikipedia, s. v. Coq.

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Published by Aristarque